Commune mixte de Plateau de Diesse

Météorites

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Il y a quelques millions d’années, une pluie de météorites s’abattait sur le Mont Sujet faisant de ce panorama l’un des plus prolifiques de Suisse en la matière.

On marche sur la lune! (*)

Il y a quelque chose comme, genre, des millions d'années, le ciel nous tombait sur la tête. Une pluie de météorites s'abattait en effet sur le Mont Sujet, faisant ainsi de ce panorama l'un des plus prolifiques de Suisse en la matière. De petits morceaux d’astéroïdes se retrouvent de la sorte disséminés dans nos pâturages, créant au fil du temps une véritable richesse géologique, scientifique et culturelle. Qu'il serait regrettable de laisser perdre…

N'ayez pas peur! Le promeneur du Mont Sujet risque en effet de croiser cet été, à l'occasion, de curieux marcheurs, harnachés d'instruments improbables façon détecteurs de métaux. Et c'est bien de cela dont il s'agit, puisque ces explorateurs d'un genre nouveau partent à la chasse au météorite, dont la découverte constitue toujours un événement exceptionnel sous nos latitudes. Métal ferreux en nos contrées, le fragment d'astéroïde se repère grâce au signal de ces machines, ceci expliquant cela…

Ces blocs nous viennent tout droit de l'espace, enfouis dans nos champs sans subir la moindre modification, ou presque, depuis la nuit des temps. Au-delà de l'aspect purement mythique, voire mystique, qu'ils peuvent susciter, ces bouts de ciel représentent également une source d'information extrêmement précieuse, nous renseignant au plus profond de nos origines. Dans la plupart des cas, on parlera bien de fragments d'astéroïde, plus rarement de morceaux de roche lunaire ou martienne. De fait, impactés par de gros météorites, notre satellite et la planète rouge expulsent sous le choc, dans l'espace, les débris dus à l'explosion. Après un long voyage, certains d'entre eux réussissent à franchir la barrière atmosphérique pour atterrir. Parfois au Twannberg, donc…

Nouvelle campagne au Mont Sujet

Des trouvailles fortuites, en 1984 déjà, ont révélé la présence de matériel extraterrestre dans la région. Des campagnes systématiques de recherche ont été depuis mises sur pied et, sous l'égide du Musée d'histoire naturelle de la Bourgeoisie de Berne, une nouvelle opération a été planifiée ce printemps au Mont Sujet.

Un peu de science, à présent, au risque de se montrer un rien abscons, mais c'est nécessaire… On veillera à faire aussi simple que possible… A ce jour, quelque 50'000 météorites, réparties sur l'ensemble du globe, ont été découvertes. Elles se séparent en deux catégories principales, les chondrites et les achondrites. Les premières se distinguent des secondes, car elles sont restées dans leur état originel depuis la genèse de notre système solaire. La matière première, si l'on ose dire, provenant de très gros astéroïdes (jusqu'à 100 kilomètres de diamètre), peut avoir fondu sous l'action du frottement avec l'atmosphère et se réorganiser en métal lourd, des météorites ferreuses donc, et en scories légères, pour de la roche solidifiée. Jusque-là, tout va bien?

Faible proportion en Suisse

Dans notre pays, on retrouve des poussières d'étoiles à raison de la surface du territoire. En faible proportion forcément, puisque la Suisse occupe uniquement 0.028% de la mappemonde. On estime que, chaque année, 80 météorites, d'une masse d'au moins 10 grammes par million de kilomètres carrés, rejoignent le sol. Ramené à l'aire de la Suisse, à 41'285 km2, le rapport s'établit à 3.3 chutes l'an. Autant dire pas grand-chose… De fait, la dernière, observée à Utzendorf, remonte à… 1928! A noter pour la petite histoire, que la plupart des trouvailles et même, de loin, la plus grande proportion en masse, à 97,8%, provient du Canton de Berne. Etonnant, non?

Tous les aérolithes étant baptisés du nom du lieu de leur découverte, ceux du Mont Sujet et environs s'intitulent "Twannberg". Le premier, "Twannberg I" en toute logique, fut isolé en 1984. C'est aussi le plus volumineux, avec ses près de 16 kilos, aujourd'hui débités en différents endroits. Un autre, mais nettement plus léger à 2 kilos, a été découvert en 2000, dans le grenier d'une maison du XVIIIe siècle, à Douanne. Comme un rapprochement avec le plus gros morceau est parfaitement vraisemblable, c'est tout naturellement que cette deuxième trouvaille fut dénommée "Twannberg II". Tout comme un troisième fragment, de 2,5 kilos, découvert en septembre 2005 un peu par hasard dans une collection existante de Bienne, appartient elle aussi à la masse de "Twannberg". Des analyses chimiques démontrent qu'elles présentent des particularités identiques et qu'elles proviennent sans doute de la même chute. Elles se caractérisent en outre toutes deux par une très faible teneur en nickel, constituant ainsi un groupe particulier et très rare. Les scientifiques estiment par ailleurs leur voyage dans l'univers à plus ou moins 230 millions d'années, accréditant la thèse de la petitesse de l'élément considéré. Car les autres segments découverts en Suisse, partant plus communs, avoueraient des durées de parcours se chiffrant en plusieurs centaines de millions d'années. En cela aussi, les météorites du Twannberg fondent une catégorie particulière. Et particulièrement intéressante, il va sans dire…

Encore quelques secrets…

On peut donc penser que la montagne attend encore avant de livrer tous ses secrets. Du coup, le Musée d'histoire naturelle de la Bourgeoisie de Berne a entrepris une nouvelle expédition ce printemps, supputant un fort potentiel dans les montagnes du Mont Sujet. Peut-être même, d'ailleurs, qu'il entrevoit là le site le plus prometteur d’Europe.

A l’instigation de la Commune, le Pr Beda Hofmann, en charge du projet, s'est approché des autorités dans l’optique d’affiner le projet. Elles ont immédiatement salué cette démarche scientifique, imaginant au passage pouvoir plus directement associer les villages alentours aux découvertes. Car à qui appartiennent les météorites trouvées? Cette question revient assez régulièrement et se voit réglée par l'art. 724 du Code civil, qui prévoit, en substance, une répartition de la masse entre la collection officielle, les scientifiques et le découvreur, sous l’angle d'une "indemnité raisonnable", flou juridique laissant donc place à de possibles interprétations. Dans la pratique toutefois, le prix se négocie en fait avec le fonctionnaire cantonal compétent, selon la technique du "bout de gras". Je plaisante, bien sûr, mais disons que le tarif pourra varier en fonction de la qualité intrinsèque de la pièce et de sa valeur scientifique, notions qui restent néanmoins un peu aléatoires…

Une exposition d'une dizaine de pièces

Le Conseil communal a accueilli avec bienveillance les demandes du Musée d'histoire naturelle. Une convention a été passée entre les deux parties pour définir les modalités des fouilles. Ce dernier bénéficie de toutes les autorisations cantonales nécessaires et est appelé à réguler le flot des chercheurs. Il vaut donc mieux, avant de vous lancer à l'assaut du Mont Sujet, prendre contact avec le Pr Beda Hofmann pour définir les grandes lignes de votre possible action.

Au final, la Commune récupérera une dizaine de pièces de moyenne importance, qu'elle se fera un plaisir d'exposer dans des lieux appropriés, souhaitant ainsi partager ces découvertes avec la population de la région, bien sûr, mais aussi avec les touristes de passage. Une collection qui, assurément, vaudra le coup d'œil!

(*) Il ne s’agit pas réellement de la lune, mais bien de fragments d’un astéroïde…

Note

Musée d'histoire naturelle de la Bourgeoisie de Berne, Pr Beda Hofmann, 031 350 71 11 – www-nmbe.ch

Pour les initiés

Les deux météorites les plus célèbres du Twannberg ont été analysées sous toutes les coutures. Sciées, puis polies, elles laissent apparaître une composition métallique homogène, avec des inclusions d'autres métaux. Leur composition minéralogique se résume à sa plus simple expression, laissant la part belle à un fer de faible teneur, on l'a dit, en nickel. Kamacite (Fe Ni), schreibersite (ainsi nommé en l'honneur du naturaliste autrichien Carl von Schreibers), phosphure de ferronickel (Fe, Ni)3P, rhabdite, constituent l'essentiel des caractéristiques métalliques de ces portions d'astéroïde. En petite quantité, on observera au microscope du sulfure de fer, de la troïlite (FeS), du nom de Domenico Troili, la croûte de rouille étant composée d'hydroxydes de fer: goethite, magnétite et maghémite.  En outre, de la vivianite bleue a été décelée dans de la schreibersite corrodée. L'orientation des couches de rhabdite, selon 10 directions cristallographiques, qui s'étendent sur toute la largeur des deux fragments avec une direction constante, indique enfin que les deux objets appartiennent à un seul cristal de kamacite.

Trois questions à Beda Hofmann,
professeur au Musée d'histoire naturelle
de la Bourgeoisie de Berne

Pourquoi avez-vous décidé de reprendre une campagne de recherches au Mont Sujet?

C'est juste, nous travaillons sur le Mont Sujet en ce moment. Mais nous devons dans l’instant encore garder le silence. On va inaugurer une exposition sur la météorite Twannberg au Musée d'histoire naturelle de Berne le 18 août prochain. C’est à cet instant que le voile du secret du Mont Sujet va définitivement être levé....

En quoi les météorites du Twannberg sont-elles exceptionnelles?

La météorite Twannberg est d'un type très rare, dit fer IIG. Il existe des centaines de météorites ferreuses, mais seulement cinq, dans le monde entier, de ce type. C'est une partie d'un noyau d'un astéroïde. Au cours de la solidification de ce noyau d'abord fondu (de quelques kilomètres d'épaisseur), le dernier matériel solidifié est représenté par le type IIG de météorites. En outre, c'est seulement une des huit météorites connues en Suisse, et la seule qui est représentée par plusieurs pièces. Ça permet, alors, de déduire une histoire de l'événement cosmique, d'une collision entre la terre et un astéroïde.

Pourquoi le Canton de Berne, davantage que ses voisins, a-t-il été touché par une myriade d'astéroïdes?

C'est pas à proprement parler une myriade, mais quelques-unes seulement… Twannberg provient d’une seule chute, mais très importante, avec fragmentation dans l’atmosphère. Je pense que les activités du Musée d'histoire naturelle de la Bourgeoisie de Berne ont alerté la population voisine du phénomène Météorite. Il existe plusieurs publications, depuis la découverte de la météorite Rafrüti en 1900. Je pense que, par ce fait, la probabilité pour les découvertes suivantes est devenue plus élevée, ceci expliquant cela…