Une découverte mémorable à Prêles
Un riche sous-sol
Décidément, le sous-sol de notre commune déborde de richesses insoupçonnées… Car en marge des nombreuses météorites, dont nous vous avions entretenus dans notre édition de juin 2016 et qui ont fait la joie de bien des chercheurs, voilà-t’y pas que d’autres, tout aussi chanceux, ont mis la main – et c’est bien le cas de le dire! – sur un sujet archéologique de première importance. C’est bien simple: aucun objet analogue, ou approchant, n’a jamais été mis au jour en Suisse ou dans les pays voisins.
La découverte est assurément d’une dimension primordiale. A tel point qu’elle a eu les honneurs de la prestigieuse revue «National geographic», qui lui a récemment consacré tout un papier. De fait, les spécialistes ne s’y trompent pas, eux qui qualifient la trouvaille d’exceptionnelle. Rien de moins. Pensez-donc, une sculpture en bronze, sans doute la plus ancienne d’Europe, a été retrouvée à l’automne 2017, sous nos pieds, à Prêles…
La presse régionale s’en est bien sûr largement fait l’écho en septembre dernier. Notre article ne constitue donc pas à proprement parler un «scoop», mais nous avons tenu malgré tout, et au-delà des controverses qui sont nées ensuite, à revenir sur cet événement marquant l’histoire de notre coin de terroir.
Une pièce unique
L’objet est vieux d’environ 3500 ans. Une base en bronze, incrémentée d’un bracelet en or au poignet, cette pièce unique a été évaluée au carbone 14 pour déterminer qu’elle datait de 1500 à 1400 ans avant Jésus Christ. Des experts suisses, allemands et français se sont penchés sur ce fragment rare et, pour l’heure, unique, pour tenter d’en comprendre l’origine. A l’heure actuelle, on n’a encore jamais trouvé de sculpture comparable, remontant à l’Âge de bronze, en Europe centrale. La «Main de Prêles» est donc à ce jour la pièce de cette nature la plus ancienne figurant une partie du corps humain. Objet remarquable, incomparable même, soulignent des archéologues admiratifs. Et quelque peu désarçonnés, dans la mesure où ils ne parviennent pas encore à clairement apprécier son origine et sa fonction. Une multitude de questions restent donc encore ouvertes dans l’instant.
Alliages courants à cette époque
En plus de la main proprement dite, les deux particuliers chanceux ont transmis au Service archéologique cantonal une lame de poignard, également coulée dans le bronze, ainsi qu’une côte humaine, peut-être plus jeune toutefois d’une centaine d’années que les objets qui l’accompagnaient et qui ont peut-être été transmis à son défunt dépositaire par son prédécesseur. Mais toutes deux se situent, en cohérence, dans l’Âge du bronze moyen. Les premières analyses effectuées sur les métaux utilisés pour concevoir la «Main de Prêles» confirment bien qu’elle est constituée d’alliages courants en ces temps reculés. Cela dit, il est parfaitement possible, la méthode du carbone 14 procédant de mesures statistiques, que l’ensemble des éléments considérés vieillissent en définitive ensemble depuis la même époque.
Emblème de pouvoir, signe distinctif de l’élite?
On peut bien sûr laisser place à l’imagination, même s’il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions définitives. On ne saurait dire en effet, si ces objets ont été confectionnés dans la région des Trois-Lacs ou s’ils proviennent d’une région plus lointaine. On se perd également en conjectures sur la signification et la fonction qui leur étaient attribués. L’ornement en métal précieux laisse cependant croire qu’on se trouve en présence d’un emblème de pouvoir, d’un signe distinctif de l’élite sociale de cette ère, voire éventuellement d’une déité. Sa prolongation, en forme creuse, suggère par ailleurs qu’elle était à l’origine montée sur un autre objet, formant avec ce dernier tout ou partie d’un hypothétique sceptre ou d’une statue.
Homme ou Dieu…
Parallèlement, les chercheurs ont découvert, sous la tombe (voir encadré), une construction en pierres d’origine humaine. Vraisemblablement, l’Homme ou le Dieu à la main de bronze a été inhumé au-dessus de cette construction, plus ancienne encore. On peut donc en déduire qu’il devait s’agir d’une personnalité de haut rang. Soit régnant dans la région; soit décédé lors d’un voyage et enterré rapidement sur place, faute de pouvoir ramener la dépouille à son potentiel domicile. Quoi qu’il en soit, les recherches ont repris et se poursuivront encore, notamment par des études scientifiques de l’alliage métallique, de la technologie de production. Déjà, des demandes d’expositions temporaires émanent de l’étranger, témoins de l’intérêt suscité par-delà des frontières. A terme toutefois, il paraît probable que la « Main de Prêles » regagnera, définitivement cette fois, le Nouveau musée de Bienne. Affaire à suivre, donc…
En fouillant plus profondément les lieux de la découverte, le Service archéologique a exhumé, au début de l’été dernier, une tombe contenant les ossements d’un homme adulte. La sépulture contenait, outre la « Main de Prêles », une lame de poignard, une fibule et une spirale en bronze (ornement de coiffure), ainsi que des restes de plaques d’or s’étant sans doute détachées de la main. Dont l’un des doigts, encore présent sur le site, tend à confirmer que la sculpture provient bien du lieu de fouille.